Accord de pêche RIM-UE: Tout tourne autour de la marge bénéficiaire (Opinion)

 

La Mauritanie vend depuis 1987 à l’Union Européenne une partie de plus en plus grande et diversifiée de ses ressources halieutiques avec des conditions techniques et financières qui ont souvent été critiquées par l’opinion publique nationale. Les nombreux points négatifs de tels accords ont été pour la plupart méconnus des populations et peu de personnes arrivaient à découvrir les points les plus sombres.

Bizarrement cette année, on a observé, depuis la signature du dernier accord de pêche RIM-UE le 26 Juillet dernier, que les professionnels des pays membres de l’UE qui s’opposent à certaines dispositions de cet accord, mènent une campagne sans précédent pour dissuader sa reconduction par le Conseil des Ministres et le Parlement européens. 

Dans leurs manœuvres, ces opposants comptent sur le rôle des gros contributeurs financiers parmi les 27 et manipulent des mauritaniens traditionnellement influents. Ils cherchent la solidarité des armateurs privés pêchant le pélagique hors l’accord avec l’UE pour soutenir l’idée de rediscuter les points (limités) faisant, de leurs points de vue, objet de divergence. 

Au niveau national, une campagne d’explication aurait suffi pour assurer l’adhésion de tous les mauritaniens concernés, entrainer un large mouvement de solidarité et contrecarrer toute tentative de désinformation ou de manipulation à ce sujet. Face à l’UE, la victoire est certaine surtout depuis que les mesures techniques et financières convenues en comment accord ont été élargies à l’ensemble des navires étrangers industriels ciblant les petits pélagiques dans la ZEEM

C’est l’occasion de dire que ce n’est plus l’heure de se cacher derrière « secret d’Etat »« diffusion restreinte », « droit de retenue ou de réserve », etc. L’heure est plutôt à la transparence, à la confrontation des idées et arguments, et à l’implication de toutes les parties concernées dans la gestion des affaires de l’Etat en général, et des ressources naturelles nationales, en particulier (public, privées, société civile, partis politique). 

Revenant à la campagne de communication, elle doit édifier l’opinion publique d’une part, sur ce qui plait à des détracteurs d’appeler ‘’crise dans le secteur des pêches’’ ou ‘’crise avec les européens’’ et de l’autre, sur les points forts de l’accord de partenariat de pêche qui vient d’être signé entre notre pays et l’Union Européenne et pourquoi les autres armateurs privés du pélagique sont réfractaires.

Concernant le premier point, rien n’oppose la Mauritanie à l’UE depuis le renouvellement de l’accord qui a pris fin le 31 Juillet 2012. Il y a seulement certains professionnels des pays membres de l’UE qui reprochent à la Commission européenne qui a négocié l’accord d’avoir accepté des conditions techniques qui affecteront drastiquement les rendements de leurs navires et qui cherchent, par tous les moyens, à obtenir une aide financière communautaire supplémentaire ou auprès de leurs Etats respectifs. 

Ensuite, il y a les armateurs privés pêchant le pélagique hors l’accord avec l’UE chez-nous. Ceux-ci se révoltent essentiellement contre les nouveaux prix qu’ils jugent excessifs par rapport à la largesse à laquelle ils se sont toujours habitués. 

Dans les deux (2) cas, tout tourne autour de la marge bénéficiaire. Car les armateurs de l’UE craignent ou prétendent que les nouvelles conditions techniques affecteront cette marge alors que pour les autres armateurs privés, les prix appliqués en constitueront la principale cause. 

Quant aux nouveautés du nouvel accord avec l’UE, celui-ci a ramené la durée de 6 à 2 ans seulement, exclu les céphalopodes parmi les ressources de fond, éloigné les zones de pêche, exigé le débarquement du fond et le transbordement du pélagique à un endroit où le contrôle pourra être plus efficace, alloué les possibilités de pêche dans le cadre du système de quotas, valorisé davantage la ressource allouée, offert plus d’opportunités d’emplois pour la main d’œuvre maritime mauritanienne et contribué à la politique nationale de lutte contre l’insécurité alimentaire.

Alors la compagne qu’on réclame, devra expliquer, dans les plus petits détails, les avantages de cet accord ainsi que les nouvelles orientations du département dans lesquels s’inscrivent d’autres mesures destinées à préserver davantage le patrimoine halieutique national et à en tirer le maximum de profits socio-économiques. 

Durée de l’accord


Que l’initiative soit venue de la partie mauritanienne ou non, la durée de 2 ans permet à notre pays de pouvoir redéfinir par pêcherie les quotas annuels en fonction de l’avis scientifique, suivre la dynamique des prix sur le marché international, ajusté le quota à vendre par rapport à l’importance de la demande pour la valorisation du produit sur place que privilégie la politique nationale, etc. Même s’ils ne suffiront pas pour créer un surplus de céphalopodes, deux ans sont raisonnables pour expérimenter les nouvelles conditions et sortir avec une vision consensuelle pour l’avenir des relations des deux parties en matière de pêche. 

A l’issue de cette période, ces deux parties seront plus édifiées particulièrement sur la richesse des zones de pêches des navires pélagiques industriels et des crevettiers, sur le réalisme des prix appliqués et sur la faisabilité d’une taxation indexée à la tonne pêchée. 

Suppression des céphalopodes :

Cette vielle revendication des professionnels nationaux du secteur, a pu être facilement satisfaite cette fois-ci grâce à la nouvelle volonté de l’Union Européenne d’appliquer l’un des principes fondamentaux des Accords de Partenariat de Pêche(APP) avec les pays côtiers. Il s’agit de ne plus acheter que le surplus disponible par stock ou pêcherie. Il semble cependant que cette UE a oublié le revers de la médaille, c'est-à-dire accorder à ces pays côtiers avec lesquels un APP est conclu, un appui financier (sous entendu assez consistant) pour renforcer leur capacité de manière à parvenir, un jour, à assurer l’auto-exploitation de leurs ressources et à mettre ainsi fin à ce genre d’accords.

Zones de pêche

La modification de la zone de pêche pour certaines pêcheries, fait partie d’une nouvelle panoplie de mesures techniques très importantes, toutes destinées à préserver davantage notre patrimoine halieutique et à en tirer, directement et indirectement, le maximum de profits ; les plus évidentes étant l’éloignement de la zone de pêche pour les petits pélagiques et les crevettes ainsi que l’instauration du système de quotas et l’abandon de redevances associées au Gross tonnage (GT) ou aux tonneaux de Jauge Brute (TJB). 

Système de quotas :


Dans les accords passés, la Mauritanie, même si elle vendait des quantités données par pêcherie, les prix n’étaient jamais indexés à la tonne effectivement pêchée. Le nouveau passage vers le système de quotas constitue une avancée significative car la vente de quantités prédéfinies exprimées en tonnes et l’application d’un prix par tonne pêchée, doit théoriquement faciliter la gestion de l’effort, améliorer les statistiques de captures et permettre de se rapprocher des prix réels du marché international. Un article sera Inchaallah consacré à l’explication de ce système de quotas et aux mesures d’accompagnement nécessaires pour que la Mauritanie puisse dire qu’elle a fait un bon choix. 

Opportunités d’emplois :

Pour les pêcheries où les marins mauritaniens s’embarquaient dans des proportions de 37% au plus, ces derniers représenteront désormais 60% de l’équipage total de chaque navire. Si l’administration arrive à mettre fin à certains jeux dont le double embarquement et l’embarquement de détenteurs de livrets sécurisés sans être marins ou sans pouvoir exercer le métier de marin, les effets bénéfiques de cette mesure se feront sentir au niveau d’innombrables foyers mauritaniens. 

Contribution à la lutte contre l’insécurité alimentaire :

En vertu de ce nouvel accord de pêche, tout navire de pêche pélagique industrielle autorisé dans la ZEEM, cèdera désormais 2% des captures réalisées à l’Etat mauritanien en appui à sa politique de distribution du poisson aux populations nécessiteuses. La récupération de ces quantités a été instituée pour soutenir le projet de promotion de la consommation du poisson par les mauritaniens et de venir particulièrement en aide aux couches les plus pauvres. Il s’agit du projet que dirigeAbderrahmane Ould Ghadhi et que le Royaume d’Espagne a tout dernièrement soutenu avec 5 millions d’Euros. 

Tels sont les éléments qui font de l’actuel accord de pêche RIM-UE une percée par rapport aux anciens, qui justifient la solidarité de tous les acteurs nationaux et qui expliquent l’intérêt et le soutien que lui apportent les plus hautes autorités du pays.

Dr Sidi El Moctar Ahmed Taleb

 

source  REJOPRAO



11/09/2012

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