entretien exclutif

Entretien exclusif/ Alain Cadec, vice-président de la Commission Pêche de l’Union Européenne

«Il appartient aux autorités mauritaniennes d'être aussi exigeantes avec les autres États qui pêchent dans leurs eaux qu'avec les navires européens».

 

Député au Parlement Européen, membre français du Parti Populaire Européen, Alain Cadec est le vice-président de la Commission Pêche de l’Union Européenne. Nous l’avons contacté pour cet entretien exclusif dans lequel il fait le point du précédent ’Accord de Partenariat de Pêche (APP) avec la Mauritanie,  ses perspectives et les défis de son renouvellement.

 

 Le Quotidien de Nouakchott : Le dernier Accord de Partenariat de Pêche entre la Mauritanie et l’Ue s’achève en 2012. Quelle évaluation en faites-vous aujourd’hui à la lumière des acquis mais aussi des défis pour les deux parties ?

 

Alain Cadec: C'est un accord qui est très important pour l'Union européenne. Il permet à 12 pays de l'Union européenne de pêcher dans les zones de pêche mauritaniennes de manière durable dans des eaux très peuplées en poissons et en crustacés. Evidemment, cet accord permet de trouver un équilibre entre la préservation de la ressource et la pêche. Il est primordial de préserver la ressource. Cet accord, parce qu'il permet le contrôle des navires européens et fixe des quantités de pêche à l'avance, le permet. C'est un accord qui est très important pour la Mauritanie: pour la période 2008-2012, l'Union européenne verse 305 millions d'euros au gouvernement en échange de cet accès. Dans cette contribution financière de l'Union européenne, le volet "développement de la politique de pêche" en Mauritanie permet  le développement d'un secteur de plus en plus dynamique, qui induit des revenus et permet la création d'emplois.

 

Le Quotidien de Nouakchott : A partir de 2012, une nouvelle politique des pêches en Mauritanie, imposera le débarquement des produits capturés par les navires européens? Comment l’UE appréhenderait-elle cette nouvelle formule de partenariat? Et quelles pourraient être les contours du futur APP désormais balisé par le Parlement Européen?

 

Alain Cadec : Je pense que nous devrons soutenir la Mauritanie dans sa nouvelle politique de pêche, mais nous devons discuter de cette proposition dans le cadre de l'accord de partenariat que nous avons mis en place. Ce sera au Parlement européen et aux Mauritaniens de décider si cela participe aux intérêts de l'union et de la Mauritanie. Si les autorités souhaitent imposer le débarquement, c'est pour transformer les produits sur place et ainsi bénéficier de créations d'emplois et  favoriser la consommation locale d'une partie de la pêche.

 

En ce qui concerne le nouvel accord, le Parlement souhaite mettre en place avec la Mauritanie des plans de gestion des ressources à long terme afin d'avoir une meilleure visibilité sur les ressources halieutiques.  En ce qui concerne les pratiques de pêche, le Parlement souhaite être informé sur la raison des arraisonnements de certains navires européens par les autorités mauritaniennes. Nous souhaitons aussi que les autorités mauritaniennes puissent s'équiper de VMS afin de faciliter les contrôles. En ce qui me concerne, je souhaite que cet accord soit renouvelé.

 

 Le Quotidien de Nouakchott : Aujourd’hui que le Parlement européen a plus de pouvoirs de décision suite à l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, comment pensez vous influencer les négociations du futur accord de partenariat entre la Mauritanie et l'UE?

 

 Alain Cadec : Le Parlement européen est aujourd'hui co-législateur avec le Conseil, alors qu'avant le 1er janvier 2011, ses positions n'étaient pas contraignantes. Aujourd'hui, il est  en mesure de donner un "avis conforme", c'est-à-dire qu'il peut approuver ou refuser la proposition de protocole que propose la Commission européenne pour les accords de partenariat de pêche.

 

C'est pourquoi il est très important que la Commission européenne donne au Parlement toutes les informations dont il a besoin, notamment les rapports d'évaluation ex-post, afin d'analyser le protocole précédent et se faire son avis.

 

Le Parlement peut aussi interroger la Commission sur le protocole qu'elle est en train de négocier avec la Mauritanie et exposer sa proposition pour le suivant. Elle est tenue d'informer le Parlement sans délais durant les négociations.

 

Cette semaine, le Parlement s'exprime sur cet accord, suite à une question, déposée par la Commission de la pêche.  Les députés européens adopteront une résolution jeudi, exposant les demandes du Parlement européen sur cet accord de partenariat de pêche.

 

 

 Le Quotidien de Nouakchott : Quelles seront les priorités pour le Parlement dans le souci d’une cohérence de la politique commune des pêches, du respect de l’environnement, celui du Code de Conduite pour une Pêche Responsable de la FAO et l’aide au développement du secteur en Mauritanie ?

 

 Alain Cadec: Il ya plusieurs pistes sur lesquelles le Parlement souhaite travailler: Il existe une commission mixte qui décide entre autres comment sera utilisée l'aide au développement. Je souhaite par exemple que cette discussion mène à la création d'un port de pêche artisanale à Nouakchott et une rénovation du Port de Nouadhibou.

 

Nous souhaitons aussi que les systèmes de sélectivité et des plans de gestion pluriannuels soient mis en place afin de préserver la ressource.

 

 Le Quotidien de Nouakchott : Monsieur le député, nous sommes conscients que les ressources halieutiques sont une richesse en partage. L’UE a déjà clairement affiché son combat à la pêche INN dont son marché était soupçonné être la principale destination. Cependant, aujourd’hui, l’exploitation précautionneuse des stocks suppose aussi la baisse de la pression sur certaines espèces surexploitées comme les céphalopodes. Qu’envisage le Parlement européen pour faire respecter de tels désidératas écologiques?

 

 Alain Cadec : Nous sommes bien conscients qu'il faut préserver la ressource, notamment les céphalopodes. L'introduction de plans pluriannuels doit être une solution pour  permettre de réduire la pression sur ce stock.

Je pense qu'il faut aussi contrôler les autres partenariats que la Mauritanie a mis en place avec des pays tiers. Il appartient aux autorités mauritaniennes d'être aussi exigeantes avec les autres États qui pêchent dans leurs eaux qu'avec les navires européens.

Quand je me suis déplacé en Mauritanie avec une délégation du Parlement européen en 2010, j'ai pu constater que les eaux mauritaniennes sont extrêmement riches en poisson.

Il faut que nous puissions maintenir cette ressource afin de pouvoir nourrir les générations futures et permettre à la Mauritanie d'organiser une partie de son économie autour des activités de pêche. Cela passe par une vision à long terme de la pêche.

 

 

Le Quotidien de Nouakchott : Depuis toujours, les principaux griefs faits au précédent APP en Mauritanie -et ailleurs en Afrique- concernent la concurrence déloyale que mèneraient les navires européens aux pêcheurs artisans africains qui subviennent aux besoins alimentaires (protéines animales) des populations locales. Or, la résolution du Parlement européen du 8 juillet 2010 sur le régime d'importation dans l'UE des produits de la pêche et de l'aquaculture dans la perspective de la réforme de la PCP, est venue comme pour corriger cette perception. Quelles suggestions cela vous inspire-t-il?

 

Alain Cadec : Le rapport du 8 juillet 2010 sur le régime des importations dans l'UE des produits de la pêche que j'ai présenté au Parlement européen soutient avant tout le principe d'une politique commerciale de l'Union européenne juste. L’Union européenne est le plus grand marché du monde pour les PPA, mais 65% des produits consommés en Europe proviennent de pays tiers. Il importe de vérifier les conditions commerciales, sanitaires, environnementales et qualitatives dans lesquelles les importations sont réalisées pour analyser les politiques menées par l’Union européenne en matière de PPA. Je pense qu'il est indispensable d’assurer le maintien dans l’UE de secteurs de la pêche et de l’aquaculture économiquement et socialement viables.

 

Il est aussi très important que les pays qui échangent avec l'Union européenne respectent les normes de l'Organisation Internationale du Travail et que les importations soient soumises aux mêmes normes sanitaires et environnementales.

 

 Le Quotidien de Nouakchott : Enfin, il y a lieu ici d’évoquer les efforts de coopération en annexe au futur APP en matière de surveillance des côtes, de la recherche scientifique, de l’évaluation à mi-parcours du partenariat. Que peut faire l’UE dans ce cadre au profit de la Mauritanie?

 

 Alain Cadec : Le Parlement analyse le rapport d'évaluation ex-post et fait des recommandations à la Commission européenne, qui négocie le protocole avec les autorités mauritaniennes. Le rôle du Parlement est de vérifier que cet accord sera bénéfique aux deux parties. Il entend obtenir l'information et juger de la nécessité de cet accord.

 

Je pense que la commission mixte fait en sorte de développer au mieux la recherche scientifique concernant les eaux mauritaniennes. Quant aux observations scientifiques, la Commission européenne tient à se fier de très près à ces avis. Par ailleurs, je pense que nous pourrons à l'avenir développer nos partenariats déjà existants avec la Mauritanie. Nous sommes avant tout des partenaires et des amis.

Entretien réalisé par Jedna DEIDA (Le Quotidien de Nouakchott et REJOPRAO)

 

 




13/05/2011

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