FIN D'UNE PERIODE GRACE A L'ORGANISATION DES MAREYEURS

01-04-1995                      
par Denise Williams, Abdoul Salam Diagana

Mauritanie
Sous le "caviar", le poisson pourri

(SYFIA-Mauritanie) Les oeufs de mulet, c'est le "caviar de la mer". En Mauritanie, ce filon est salement exploité. On prélève les oeufs et on laisse les poissons éventrés sur la plage.

La poutargue est au mulet ce que le caviar est à l'esturgeon. En Europe, ces précieux oeufs de poisson séchés se dégustent en fines lamelles sur du pain grillé beurré, arrosés d'un peu de jus de citron. Mais en Mauritanie, le revers de la tartine est moins appétissant. De janvier à avril, la côte est jonchée de poissons pourris. La puanteur est alors telle qu'à Nouakchott les promeneurs du dimanche renoncent à leur balade sur la plage.Sur quelque soixante-cinq kilomètres de côte, les Imraguen, une ethnie de pêcheurs, ont vu s'installer dans leurs campements des hommes dont la seule activité est de prélever des oeufs de mulet. Les tractations avec les usiniers et les exportateurs se font à la tombée de la nuit lorsque les embarcations regagnent la terre, les filets pleins à craquer de mulets. La tonne se vend entre 50 000 et 80 000 ouguiyas (2000 et 3200 FF - 1 ouguiya = 0,04 FF).La vente faite, le carnage commence. Munis de couteaux tranchants, parfois de coupe-coupe, des spécialistes éventrent les mulets en un tournemain pour sortir les oeufs. Leur besogne achevée, il restera sur place des tas de poissons morts. Quant aux oeufs, recueillis dans des caisses, ils rejoindront promptement les frigos des villes en attendant de partir pour l'Europe. Les exportateurs mauritaniens les cèdent bruts à 150 FF le kilo.Ces oeufs seront ensuite séchés, pressés, enrobés de cire translucide avant de devenir la fameuse "poutargue". A l'étal des épiceries de luxe, cette spécialité provençale, dont le nom est d'origine arabe, se présente comme une saucisse aplatie, très sèche. On la débite en tranches. Leur épaisseur dépend avant tout des moyens du client. "Selon la qualité, nous vendons la poutargue entre 590 et 800 FF le kilo", indique un détaillant de Montpellier. Il existe encore une petite fabrication locale à Martigues près de Marseille, précise-t-il, mais l'essentiel arrive à présent de Mauritanie. Le Brésil serait aussi sur le créneau.

Un gaspillage insolent

Ce "caviar de la mer" qui réjouit le palais des connaisseurs français, espagnols ou italiens fait en Mauritanie les délices d'une poignée d'hommes d'affaires. Boubacar, un négociant en poissons, avoue réaliser dix fois son chiffre d'affaires annuel habituel pendant la période du mulet. Mais dans le pays, ce massacre impudent choque de plus en plus et pas seulement la vue et l'odorat des promeneurs trop délicats.Au ministère de l'Environnement, on déplore que la côte devienne ainsi un dépotoir tout en s'avouant incapable d'y remédier. La solution appartient peut-être au ministère de la Pêche qui entrevoit la possibilité de valoriser les poissons vidés de leurs oeufs en créant de petites usines de séchage et de fumage. "Le mulet ou muge est un poisson blanc dont la chair est fine, explique le responsable d'une poissonnerie de gros de Béziers dans le sud de la France. Ici, on l'appelle le "loup du pauvre" à cause de son goût délicat et de son prix peu élevé."A Nouakchott, les chefs religieux condamnent eux aussi ce gaspillage honteux. Ils considèrent que jeter ce qui pourrait être consommé par l'homme est un manquement au devoir religieux. Un Imam, interrogé à ce sujet, suggère que les usiniers et les négociants fassent acte de générosité en distribuant les poissons aux nombreux mendiants.Les Japonais, très présents dans la filière pêche en Mauritanie, ne cachent pas non plus leur mécontentement. Ils viennent en effet de faire un don de 650 millions de yens soit près de 700 millions d'ouguiyas au profit des artisans pêcheurs. Ils financent aussi à hauteur d'un milliard d'ouguiyas la construction d'un marché aux poissons sur la plage des pêcheurs à Nouakchott. Le traitement des déchets serait d'ailleurs un des volets de ce dernier projet. "Mon pays qui initie une politique de coopération avec la Mauritanie est soucieux de la sauvegarde de l'environnement d'une manière générale", déclare un expert nippon. Celui-ci regrette ouvertement l'incapacité des autorités à protéger les ressources halieutiques de leur côte, l'une des plus poissonneuses du monde. Ces prélèvements abusifs pour le seul profit de quelques négociants sont-ils vraiment une fatalité ?
 
SOURCE SYFIA INFO
 
 
 
NOTA
C'est de l'histoire de la filliere;les mareyeurs mauritaniens ont changes ces choses;
ce caviar n'est donc qu'une leçon de notre histoire ....
LA  FMM

 


09/08/2011

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