Pêche : le renouvellement de la flotte nationale de pêche industrielle, un jeu ou enjeu de taille ?

 

 

 

Dans ce monde où tout bouge à l’extérieur de nos frontières, la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD) bouge intensément et incite toutes les composantes du peuple à bouger pour créer les conditions d’une intervention des forces armées et de sécurité, seul espoir d’opérer un changement.

Encouragée par l’appui moral de l’opposition dialoguiste et par l’action de celle-ci sur le terrain, la majorité présidentielle bouge aussi et sensibilise les autres à ne pas bouger dans le sens voulu par le camp adverse de l’opposition hétérogène, dite radicale.

Sur le plan technique, beaucoup de Ministères accélèrent, en application des instructions du Président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz, le rythme de leurs actions pour rattraper les retards accusés dans l’exécution de son programme électoral de 2009 ou pour tout simplement détourner une opinion publique déjà influencée par certains discours semant la discorde .

Au sein de cette mouvance, le Ministère des pêches s’efforce de faire avancer certains par les nombreux dossiers inscrits sur son agenda et dont figure le fameux dossier de renouvellement de la flotte nationale industrielle de pêche. Il s’agit d’une problématique qui a, par le passé, vainement préoccupé les pouvoirs publics quand ils avaient cru, pendant plusieurs années, à une solution qui pouvait venir des pays accédant à nos ressources halieutiques dans le cadre de l’accord de pêche avec l’Union Européenne.

Mais fort heureusement, il semble qu’une telle voie est aujourd’hui abandonnée puisqu’une réflexion est actuellement menée au Ministère des pêches sur ce sujet et l’espoir est plutôt tourné vers une solution nationale (pas à l’Est ni à l’Ouest).

Afin que cette réflexion puisse conduire à des avancées significatives, une bonne mise en équation du problème est d’abord de mise. Alors, l’Etat doit bien concevoir un montage où chacune des parties prenantes joue le rôle qui lui revient et tout ceci dans le cadre d’une vision qui préserve prioritairement l’intérêt général et tient compte, dans la mesure du possible, les préoccupations particulières des professionnels de la pêche.

Quant à ce montage, il devra d’un côté, se fonder sur les réalités de la flotte, de ses propriétaires et de la ressource et de l’autre, respecter les principes de bonne gouvernance dont notamment la durabilité et l’équité. A cet égard, les éléments ci-dessous sont rappelés pour aider les auteurs de ladite réflexion dans la démarche à suivre, les critères à adopter et pour que soit garantie, à chaque étape du processus, l’objectivité, la transparence et la cohérence.

Constats:

- La flotte nationale est généralement vielle et compte certains navires pouvant être considérés comme surdimensionnés eu égard à l’état rare de la ressource et au coût trop élevé de l’énergie (hydrocarbures).

- Les principaux stocks sont trop surexploités ou modérément surexploité suite au fait que l’effort de pêche exercé sur ces stocks est, en général, excédentaire.

- La flotte utilise presque exclusivement le chalut et le système de conservation qui prédomine est la congélation ;

- La flotte est actuellement propriété de groupes restreints de mauritaniens qui concentrent, entre leurs mains, l’essentiel de l’effort de pêche.

- La flotte industrielle qui exploitent les ressources pélagiques est actuellement à presque 100 % étrangère et débarque la quasi-totalité de ses captures à l’étranger.

Résultats attendus :

En application des principes de bonne gouvernance énoncés plus haut et en prenant en compte les constats précédemment rappelés, ces résultats attendus seraient principalement :

- La modernisation de la flotte et l’amélioration de ses performances à travers l’acquisition d’une génération de navires qui seraient économiquement rentables et moins destructeurs pour la ressource et son environnement (voir l’idée du navire-type);

- L’ajustement des capacités ou l’adéquation de l’effort de pêche aux potentiels permissibles annuels de chaque composante de la ressource ;

- La répartition de l’effort de pêche/capacités de pêche entre un maximum de mauritaniens afin de mettre fin au monopole de l’effort de pêche par une minorité de gens. Ce serait à travers la création de conditions appropriées pour que de nouveaux mauritaniens puissent acquérir des navires pour la pêche de fond et pélagique;

- La diversification de la flotte nationale ou le changement de sa typologie et l’élargissement du spectre des engins et des systèmes de conservation utilisés et puis des espèces et groupes d’espèces pêchés par cette flotte.

Démarches à suivre:

Considérant les constats ci-dessus qui résument le diagnostic de la situation actuelle et puis les objectifs traduits par les résultats attendus de la réflexion, deux scénarii sont envisageables selon qu’on cherche une solution radicale au problème ou qu’il s’agisse d’une simple opération de maquillage dont le seul but serait de gagner quelques possibilités de pêche pour les donner à des candidats déjà probablement identifiés.

En ce qui concerne le premier scénario, il consiste à considérer la situation qui prévaut actuellement et à y introduire le maximum d’améliorations pour qu’on arrive à la réduction globale de l’effort de pêche actuel et à la récupération de certaines possibilités de pêches pour être offertes à de nouveaux mauritaniens éventuellement intéressés par l’investissement dans le secteur.

Malgré tout, ce scénario peut paraître logique ou réaliste puisqu’il tient compte de l’expérience accumulée par les armateurs qui opèrent aujourd’hui dans le secteur, de l’endettement de leur majorité et de l’absence d’un fond d’indemnisation pour éliminer l’excédent de l’effort qui a toujours préoccupé les scientifiques plus que le Ministère des pêches.

L’essentiel pour beaucoup de mauritaniens est d’accompagner cette nouvelle volonté des pouvoirs publics de traiter ce dossier de renouvellement de la flotte qui perdure depuis plusieurs décennies déjà alors que l’état de cette flotte n’a cessé de se dégrader progressivement pour laisser la place aux étrangers.

Dans la pratique, ce premier scénario qui favorise les propriétaires déjà de navires doit cependant se baser sur des critères assez objectifs, pertinents et réalistes pour :

1. Assurer la sélection, par étape, des navires qui, de par leur état -et éventuellement leurs caractéristiques techniques- devront être éliminés de l’éligibilité au renouvellement. Ceux-ci se verront sortir soit directement à la casse, soit à la réexportation après radiation totale en Mauritanie. Feront normalement partie de cette catégorie, outre les épaves, les navires ne répondant pas aux exigences des normes d’hygiène et de salubrités applicables et enfin, ceux qui souffrent, pour des motifs techniques ou financiers, d’une panne prolongée qui dure de plus de trois ou quatre ans.

2. Faire gagner des possibilités de pêche qu’il faudra vendre, avec les quantités de céphalopodes à récupérer sur l’accord de pêche avec l’UE, lors d’une séance publique ouverte uniquement aux nouveaux candidats.

Dans ce cadre, l’Etat devra se réserver des quotas de céphalopodes et de crustacés qu’il utilisera pour encourager l’acquisition de navires de fond pêchant avec des engins sélectifs et/ou des chalutiers de fond glaciers et des senneurs et chalutiers pélagiques utilisant la glace et la réfrigération. Signalons que la vente aux enchères constitue un mode d’allocation de la ressource incontestablement transparent et équitable, et permet une meilleure valorisation des quotas mis en concurrence.

3. Garantir que les navires à renouveler pour chaque armateur comprennent, dans des proportions à déterminer, des chalutiers congélateurs de fond mais aussi des chalutiers de fond avec des engins autres que le chalut et puis des navires de fond (chalutiers) et pélagiques ayant la réfrigération et la glace comme système de conservation (senneurs et chalutiers) ; le but étant d’assurer l’exploitation de toutes les espèces et à en pêcher tout le potentiel permissible annuel. Dans ces conditions, on aura évité de faire perpétuer le ciblage quasi-total du poulpe (céphalopodes) et donné la chance à l’émergence de nouvelles pêcheries, notamment pélagiques.

Il serait opportun de rappeler qu’en l’absence de contraintes clairement imposées préalablement par l’Administration, on assistera au cas particulier extrême où tous les armateurs retenus (anciens et nouveaux) ne demanderont que l’acquisition de chalutiers congélateurs de fond.

Rappelons aussi que les performances de la nouvelle flotte à acquérir neuve, peuvent bien rendre son effet sur la ressource plus important, sinon égal à celui du même effort exercé auparavant et que si on ne mettra pas suffisamment de Garde-fous aussi, la vente aux enchères risquera de permettre à de nouveaux venus d’acquérir d’énormes possibilités de pêche.

Quant au deuxième scénario, il ignore complètement la priorité donnée, dans le premier scénario, aux détenteurs actuels de l’effort en les mettant sur le même pied d’égalité que les autres concitoyens qui souhaiteront faire leur entrée dans le secteur des pêches. En somme, il s’agit de procéder, dans une première étape, à la définition des quotas à octroyer, de préférence par espèce, et à leur vente publique aux intéressés parmi les propriétaires actuels de la flotte et les nouveaux candidats.

En d’autres termes, ce scénario consiste à ouvrir à la concurrence, abstraction faite de toute autre considération, toutes les possibilités de pêche réservées aux nationaux à travers le système de vente aux enchères. A cette occasion, l’Etat devra aussi se réserver des quotas de céphalopodes et de crustacés qu’il utilisera pour les mêmes objectifs que dans le scénario 1 précédent.

A l’issue de cette opération de ce mode de vente, les acheteurs des quotas auront l’autorisation pour un nombre de navires neufs correspondant aux possibilités de pêche acquises. Les mêmes critères applicables dans le premier scénario pour les nouvelles acquisitions, seront aussi valables. Dans les deux cas, il serait inévitable de répondre à la question « est-ce qu’on renouvelle un effort nominal (1 navire pour un navire ayant les mêmes caractéristiques techniques et le même système de conservation) ou on renouvelle une capacité de pêche que ce soit partiellement ou totalement? ».

Malgré qu’il défavorise, aux yeux de certains, les armateurs déjà bien installés dans le secteur, ce deuxième scénario a beaucoup d’avantages en ce qui concerne la durabilité de la ressource et l’instauration de plus d’équité en matière d’acquisition d’outils de production et d’allocation de la ressource.

D’abord, l’effort de pêche sera suffisamment maîtrisé pour les différentes composantes de la ressource puisque son acquisition se fera en adéquation avec les possibilités de pêche mises préalablement en vente par l’Etat. L’application ultérieure d’une licence par espèce, servira le système de gestion par quota (QIT) ou cette volonté de répartir harmonieusement l’effort global national entre les pêcheries de manière à assurer l’exploitation des unes et éviter la surexploitation des autres.

Ensuite, cette approche garantit l’égalité des chances entre les mauritaniens désireux d’opérer dans le secteur des pêches pour exploiter un patrimoine, évidemment commun à toutes les générations présentes et futures. Ainsi, on pourra éviter, à condition de prévoir suffisamment de garde-fous, de faire perpétuer le monopole de la majorité de l’effort par des groupes limités d’armateurs (anciens ou nouveaux).

Dans les deux scénarii, lier l’acquisition des chalutiers congélateurs de fond à l’acquisition d’un certain nombre de navires utilisant des engins sélectifs et/ou des chalutiers glaciers de fond et des senneurs et chalutiers pélagiques, changera la configuration de la flotte nationale, transférera une partie de cet effort vers les pélagiques et rendra l’émergence de nouvelles pêcheries possible, sinon effective.

Par ailleurs, les ennemis de ce deuxième scénario devront se rappeler d’abord les conditions d’acquisition d’une grande partie de la flotte nationale actuelle et ensuite, le fait que cette flotte est déjà bien amortie, mais ses propriétaires veulent tout simplement continuer de profiter -injustement disent certains- d’un bien commun à tous les mauritaniens.

Enfin, ces quelques éléments évoqués au niveau de chacun des deux scénarii proposés, seront certainement suffisants pour faire découvrir au Président de la République Mohamed Ould Abde Aziz que ce problème de renouvellement de la flotte nationale de pêche industrielle est loin d’être un simple jeu comme le pensent certains, mais plutôt un enjeu de taille.

Dr Sidi El Moctar Ahmed Taleb

directeur pecheindustrielle/mpem/RIM

SOURCE:cridem org



15/04/2012

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